Voici une mise en parallèle des versions écrites par Charles Perrault, Jacob et Wilhelm Grimm et de celle collectée par Achille Millien (circa 1870)
Perrault |
Grimm |
Tradition |
Introduction |
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Il était une fois une petite fille de Village, la plus jolie quon eût su voir ; sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien, que partout on lappelait le Petit Chaperon rouge. | Il était une fois une adorable petite fille que tout le monde aimait rien quà la voir, et plus que tous, sa grand-mère, qui ne savait que faire ni que donner comme cadeaux à lenfant. Une fois, elle lui donna un petit chaperon de velours rouge et la fillette le trouva si joli, il lui allait si bien, quelle ne voulut plus porter autre chose et quon ne lappela plus que le Petit Chaperon rouge. | C'était un femme qui avait fait du pain. |
La mission |
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Un jour, sa mère, ayant cuit et fait des galettes, lui dit : Va voir comme se porte ta mère-grand, car on ma dit quelle était malade. Porte-lui une galette et ce petit pot de beurre. | Un jour, sa mère lui dit : - Tiens, Petit Chaperon rouge, voici un morceau de galette et une bouteille de vin : tu iras les porter à ta grand-mère ; elle est malade et affaiblie, et elle va bien se régaler. Fais vite, avant quil fasse trop chaud. Et sois bien sage en chemin, et ne va pas sauter de droite et de gauche, pour aller tomber et me casser la bouteille de grand-mère, qui naurait plus rien. Et puis, dis bien bonjour en entrant et ne regarde pas dabord dans tous les coins. - Je serai sage et je ferai tout pour le mieux, promit le Petit Chaperon rouge à sa mère, avant de lui dire au revoir et de partir. |
Elle dit à sa fille : – Tu vas porter une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ta grand. |
Rencontre avec le loup |
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Le Petit Chaperon rouge partit aussitôt pour aller
chez sa mère-grand, qui demeurait dans un autre Village. En passant
dans un bois elle rencontra compère le Loup, qui eut bien envie de
la manger ; mais il nosa, à cause de quelques Bûcherons
qui étaient dans la Forêt. Il lui demanda où elle allait ;
la pauvre enfant, qui ne savait pas quil est dangereux de sarrêter
à écouter un Loup, lui dit : Je vais voir ma Mère-grand,
et lui porter une galette, avec un petit pot de beurre, que ma Mère
lui envoie. Demeure-t-elle bien loin ? lui dit le Loup. Oh ! oui, dit le Petit Chaperon rouge, cest par-delà le moulin que vous voyez tout là-bas, à la première maison du Village. |
Mais la grand-mère habitait à une bonne demi-heure
du village, tout là-bas, dans la forêt ; et lorsque le
Petit Chaperon rouge entra dans la forêt, ce fut pour rencontrer le
loup. Mais elle ne savait pas que cétait une si méchante
bête et elle navait pas peur. - Bonjour, Petit Chaperon rouge, dit le loup. - Merci à toi, et bonjour aussi, loup. - Où vas-tu de si bonne heure, Petit Chaperon rouge ? - Chez grand-mère. - Que portes-tu sous ton tablier, dis-moi ? - De la galette et du vin, dit le Petit Chaperon rouge ; nous lavons cuite hier et je vais en porter à grand-mère, parce quelle est malade et que cela lui fera du bien. - Où habite-telle, ta grand-mère, Petit Chaperon rouge ? demanda le loup - Plus loin dans la forêt, à un quart dheure dici ; cest sous les trois grands chênes, et juste en dessous, il y a des noisetiers, tu reconnaîtras forcément, dit le Petit Chaperon rouge. Fort de ce renseignement, le loup pensa : Un fameux régal, cette mignonne et tendre jeunesse ! Grasse chère, que jen ferai : meilleure encore que la grand-mère, que je vais engloutir aussi. Mais attention, il faut être malin si tu veux les déguster lune et lautre. Telles étaient les pensées du loup tandis quil faisait un bout de conduite au Petit Chaperon rouge. Puis il dit, tout en marchant : - Toutes ces jolies fleurs dans le sous-bois, comment se fait-il que tu ne les regardes même pas, Petit Chaperon rouge ? Et les oiseaux, on dirait que tu ne les entends pas chanter ! Tu marches droit devant toi comme si tu allais à lécole, alors que la forêt est si jolie ! |
Voilà la petite fille partie. À la croisée de deux chemins, elle rencontra
le bzou qui lui dit : – Où vas-tu ? – Je porte une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ma grand. |
Les deux chemins |
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Eh bien, dit le Loup, je veux laller voir aussi ; je my en vais par ce chemin-ci, et toi par ce chemin-là, et nous verrons qui plus tôt y sera. Le loup se mit à courir de toute sa force par le chemin qui était le plus court, et la petite fille sen alla par le chemin le plus long, samusant à cueillir des noisettes, à courir après des papillons, et à faire des bouquets des petites fleurs quelle rencontrait. | Le Petit Chaperon rouge donna un coup doeil alentour
et vit danser les rayons du soleil à travers les arbres, et puis
partout, partout des fleurs qui brillaient. Si jen faisais
un bouquet pour grand- mère, se dit-elle, cela lui ferait plaisir
aussi. Il est tôt et jai bien le temps den cueillir.
Sans attendre, elle quitta le chemin pour entrer dans le sous-bois et cueillir des fleurs ; une ici, lautre là, mais la plus belle était toujours un peu plus loin, et encore plus loin dans lintérieur de la forêt. |
– Quel chemin prends-tu ? dit le bzou, celui des aiguilles ou celui
des épingles ? – Celui des aiguilles, dit la petite fille. – Eh bien ! moi, je prends celui des épingles. La petite fille s'amusa à ramasser des aiguilles. |
Le loup et la grand-mère |
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Le loup ne fut pas longtemps à arriver à la maison de la Mère-grand ; il heurte : Toc, toc. Qui est là ? Cest votre fille le Petit Chaperon rouge (dit le Loup, en contrefaisant sa voix) qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre que ma Mère vous envoie. La bonne Mère-grand, qui était dans son lit à cause quelle se trouvait un peu mal, lui cria : Tire la chevillette, la bobinette cherra. Le Loup tira la chevillette et la porte souvrit. Il se jeta sur la bonne femme, et la dévora en moins de rien ; car il y avait plus de trois jours quil navait mangé. Ensuite il ferma la porte, et salla coucher dans le lit de la Mère-grand, en attendant ... |
Le loup, pendant ce temps, courait tout droit à la maison de la
grand-mère et frappait à sa porte. - Qui est là ? cria la grand-mère. - Cest moi, le Petit Chaperon rouge, dit le loup ; je tapporte de la galette et du vin, ouvre-moi ! - Tu nas quà tirer le loquet, cria la grand-mère. Je suis trop faible et ne peux me lever. Le Loup tira le loquet, poussa la porte et entra pour savancer tout droit, sans dire un mot, jusquau lit de la grand-mère, quil avala. Il mit ensuite sa chemise, senfouit la tête sous son bonnet de dentelle, et se coucha dans son lit, puis tira les rideaux de lalcôve. |
Et le bzou arriva chez la Mère grand, la tua, mit de sa viande dans l'arche et une bouteille de sang sur la bassie. |
Arrivée du Petit Chaperon rouge |
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...le Petit Chaperon rouge, qui quelque temps après
vint heurter à la porte. Toc, toc. Qui est là ? Le Petit Chaperon rouge, qui entendit la grosse voix du Loup eut peur dabord, mais croyant que sa Mère-grand était enrhumée, répondit : Cest votre fille le Petit Chaperon rouge, qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre que ma Mère vous envoie. Le Loup lui cria en adoucissant un peu sa voix : Tire la chevillette, la bobinette cherra. Le Petit Chaperon rouge tira la chevillette, et la porte souvrit. |
Le Petit Chaperon rouge avait couru de fleur en fleur, mais à présent son bouquet était si gros que cétait tout juste si elle pouvait le porter. Alors elle se souvint de sa grand-mère et se remit bien vite en chemin pour arriver chez elle. La porte ouverte et cela létonna. |
La petite fille arriva, frappa à la porte. – Pousse la porte, dit le bzou. Elle est barrée avec une paille mouillée. |
Premier dialogue |
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Le Loup, la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture : Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche, et viens te coucher avec moi. Le Petit Chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa Mère-grand était faite en son déshabillé. | Mais quand elle fut dans la chambre, tout lui parut de plus
en plus bizarre et elle se dit : Mon dieu, comme tout est étrange
aujourdhui ! Dhabitude, je suis si heureuse quand je suis
chez grand-mère ! Elle salua pourtant : - Bonjour, grand-mère ! Mais comme personne ne répondait, elle savança jusquau lit et écarta les rideaux. |
– Bonjour, ma grand, je vous apporte une époigne toute chaude et une
bouteille de lait. – Mets-les dans l'arche, mon enfant. Prends de la viande qui est dedans et une bouteille de vin qui est sur la bassie. Suivant qu'elle mangeait, il y avait une petite chatte qui disait : – Pue !... Salope !... qui mange la chair, qui boit le sang de sa grand. – Déshabille-toi, mon enfant, dit le bzou, et viens te coucher vers moi. – Où faut-il mettre mon tablier ? – Jette-le au feu, mon enfant, tu n'en as plus besoin. Et pour tous les habits, le corset, la robe, le cotillon, les chausses, elle lui demandait où les mettre. Et le loup répondait : "Jette-les au feu, mon enfant, tu n'en as plus besoin." |
Deuxième dialogue |
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Elle lui dit : Ma mère-grand, que vous avez de
grands bras ? Cest pour mieux tembrasser, ma fille. Ma mère-grand, que vous avez de grandes jambes ? Cest pour mieux courir, mon enfant. Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles ? Cest pour mieux écouter, mon enfant. Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux ? Cest pour mieux voir, mon enfant. Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents. Cest pour te manger. |
La grand-mère y était couchée, avec son
bonnet qui lui cachait presque toute la figure, et elle avait lair
si étrange. - Comme tu as de grandes oreilles, grand-mère ! - Cest pour mieux tentendre. - Comme tu as de gros yeux, grand-mère ! - Cest pour mieux te voir, répondit-elle. - Comme tu as de grandes mains ! - Cest pour mieux te prendre, répondit-elle. - Oh ! grand-mère, quelle grande bouche et quelles terribles dents tu as ! - Cest pour mieux te manger, dit le loup, ... |
Quand elle fut couchée, la petite fille dit : – Oh, ma grand, que vous êtes poilouse ! – C'est pour mieux me réchauffer, mon enfant ! – Oh ! ma grand, ces grands ongles que vous avez ! – C'est pour mieux me gratter, mon enfant ! – Oh! ma grand, ces grandes épaules que vous avez ! – C'est pour mieux porter mon fagot de bois, mon enfant ! – Oh ! ma grand, ces grandes oreilles que vous avez ! – C'est pour mieux entendre, mon enfant ! – Oh ! ma grand, ces grands trous de nez que vous avez ! – C'est pour mieux priser mon tabac, mon enfant ! – Oh! ma grand, cette grande bouche que vous avez ! – C'est pour mieux te manger, mon enfant ! |
Fin |
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Et en disant ces mots, ce méchant Loup se jeta sur le Petit Chaperon
rouge, et la mangea. MORALITÉ< On voit ici que de jeunes enfants, Surtout de jeunes filles Belles, bien faites, et gentilles, Font très mal découter toute sorte de gens, Et que ce nest pas chose étrange, Sil en est tant que le Loup mange. Je dis le Loup, car tous les Loups Ne sont pas de la même sorte ; Il en est dune humeur accorte, Sans bruit, sans fiel et sans courroux, Qui privés, complaisants et doux, Suivent les jeunes Demoiselles Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ; Mais hélas ! qui ne sait que ces Loups doucereux, De tous les Loups sont les plus dangereux. |
...qui fit un bond hors du lit et avala le pauvre Petit Chaperon
rouge dun seul coup. Sa voracité satisfaite, le loup retourna se coucher dans le lit et sendormit bientôt, ronflant de plus en plus fort. Le chasseur, qui passait devant la maison lentendit et pensa : Qua donc la vieille femme à ronfler si fort ? Il faut que tu entres et que tu voies si elle a quelque chose qui ne va pas. Il entra donc et, sapprochant du lit, vit le loup qui dormait là. - Cest ici que je te trouve, vieille canaille ! dit le chasseur. Il y a un moment que je te cherche... Et il allait épauler son fusil, quand, tout à coup, lidée lui vint que le loup avait peut-être mangé la grand-mère et quil pouvait être encore temps de la sauver. Il posa son fusil, prit des ciseaux et se mit à tailler le ventre du loup endormi. Au deuxième ou au troisième coup de ciseaux, il vit le rouge chaperon qui luisait. Deux ou trois coups de ciseaux encore, et la fillette sortait du loup en sécriant : - Ah ! comme jai eu peur ! Comme il faisait noir dans le ventre du loup ! Et bientôt après, sortait aussi la vieille grand-mère, mais cétait à peine si elle pouvait encore respirer. Le Petit Chaperon rouge se hâta de chercher de grosses pierres, quils fourrèrent dans le ventre du loup. Quand celui-ci se réveilla, il voulut bondir, mais les pierres pesaient si lourd quil saffala et resta mort sur le coup. Tous les trois étaient bien contents : le chasseur prit la peau du loup et rentra chez lui ; la grand-mère mangea la galette et but le vin que le Petit Chaperon rouge lui avait apportés, se retrouvant bientôt à son aise. Mais pour ce qui est du Petit Chaperon elle se jura : Jamais plus de ta vie tu ne quitteras le chemin pour courir dans les bois, quand ta mère te la défendu. |
– Oh! ma grand, que j'ai faim d'aller dehors ! – Fais au lit mon enfant ! – Oh non, ma grand, je veux aller dehors. – Bon, mais pas pour longtemps. Le bzou lui attacha un fil de laine au pied et la laissa aller. Quand la petite fut dehors, elle fixa le bout du fil à un prunier de la cour. Le bzou s'impatientait et disait : "Tu fais donc des cordes ? Tu fais donc des cordes ?" Quand il se rendit compte que personne ne lui répondait, il se jeta à bas du lit et vit que la petite était sauvée. Il la poursuivit, mais il arriva à sa maison juste au moment où elle entrait. |